[Care News] Comment avons-nous lancé les « Pièces jaunes » ? (ép. 3)

3 janvier 2020 | Dans la presse

Carenews info nous a permis de vous raconter, Laurent Terrisse et moi-même [Stéphane Godlewski], l’aventure de la création au lancement des Pièces Jaunes en 1989 en trois « épisodes ». De très bons souvenirs.

Par

Stéphane Godlewski et Laurent Terrisse

La naissance des Pièces Jaunes par ceux qui l’ont vécue [Épisode 3/3]

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L’opération Pièces Jaunes 2020 sera lancée le mercredi 8 janvier et se terminera le samedi 15 février. À cette occasion, les communicants Laurent Terrisse et Stéphane Godlewski, qui ont fait partie de l’équipe de choc à l’origine du projet, reviennent sur les débuts de l’une des plus grandes success stories du paysage caritatif français. Dans ce premier volet, qui se déroule en 1989, ils racontent comment le concept est né. Un témoignage exclusif pour carenews.com.

Le débriefing de la première édition de l’Opération Pièces Jaunes a mis en évidence de nombreux problèmes à résoudre : 

  • la couverture géographique de l’opération, qui, si elle est étendue à toute la France, doit bénéficier à des hôpitaux hors AP-HP ;
  • le mode de collecte, avec de lourdes urnes implantées dans des points éclatés ;
  • la réseau de collecte : les gens qui entendent parler de l’opération par les médias ne trouvent pas facilement des urnes près de chez eux ; 
  • le comptage, qui dépasse les capacités d’une banque classique ;
  • les partenariats médias, qui peuvent être nettement plus importants ; il manque notamment une chaîne de télévision.

C’est le professeur Griscelli qui trouve la solution au problème de la couverture géographique. Il invite ses collègues chefs de services de tous les CHU à Paris et, lors de cette réunion, est décidée la création de l’Association Hôpitaux pédiatriques de France, qui sera co-bénéficiaire des Pièces Jaunes. L’identité de la fondation évolue vers : Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France. C’est Catherine Simon, qui propose l’idée de diffuser, grâce à un support jeunesse partenaire, des tirelires en carton que les enfants pourront rapporter dans des points de collectes. 

C’est Michel Prada, alors trésorier de la Fondation, qui ouvre la porte de La Poste. La recommandation venant « d’en haut », le directeur de la communication d’alors nous reçoit fraîchement. Il nous dit qu’il va s’exécuter pour mettre à contribution le réseau des 17 000 bureaux de poste et solliciter les services de comptage, mais qu’il préfèrerait se concentrer sur son partenariat avec le Téléthon, qui a fait ses preuves. Quelques mois plus tard, il nous recevra en faisant de façon très sportive amende honorable :

les postiers ont adoré voir des centaines d’enfants venir à leur rencontre avec leur tirelire pleine et signer leur certificat de premier don (ancêtre des « petits philanthropes » des Fondations Edmond de Rothschild et Fondation de France).

Les tirelires diffusées dans le journal de Mickey

Disney Hachette Presse dit tout de suite oui pour diffuser les tirelires encartées dans Le Journal de Mickey, et la directrice de la division jeunesse Vivianne Mahler nous introduit auprès de La Cinq, chaîne télévisée nationale en clair importante également liée au groupe Lagardère. Coca-Cola renouvelle son soutien à l’opération. Il en financera les coûts beaucoup plus élevés (la fabrication de 300 000 tirelires en carton, notamment) et mobilisera son réseau de cafés-restaurants partenaires, ainsi que ses distributeurs (« vending machines »), sur lesquels sera apposé un autocollant indiquant que, pour chaque boisson achetée, un pourcentage sera reversé à la fondation. Cyriac de Salaberry apporte également un savoir-faire décisif dans la mise au point de la tirelire, de l’affichette et du diplôme.

Sur ces bonnes bases, nous lançons la préparation pendant l’été 1990 en vue d’une opération programmée du 25 janvier au 6 février 1991. Tout se déroule formidablement bien. Les Pièces Jaunes jouissent d’un soutien spontané systématique, les journalistes préparent tous des papiers et des reportages, à la fois sur l’opération elle-même, sur les besoins des enfants à l’hôpital ainsi que sur les projets qui vont être financés. Même des médias jeunesse et télé concurrents de ceux partenaires de l’opération décident que la cause et le projet sont tellement importants qu’ils vont les relayer. Et bien sûr, Anne Barrère met toute son énergie pour mobiliser ses confrères.

Des journaux envahis par la guerre du Golfe

Mais le 17 janvier 1991 démarre l’opération « Tempête du désert » de la première guerre du Golfe. C’est un véritable blitz médiatique : journaux, radios et télés ne parlent plus que de « frappes chirurgicales ». Reporters « embedded », experts en tous genres, images propres fournies par l’armée américaine occupent les JT… Dans la mesure où, à part France Info, il n’y a pas encore de chaînes d’info en continu, les journaux télévisés de 13 et 20 heures nous disent qu’ils doivent se consacrer à 90 % à la guerre du Golfe. Les 10 % restants suffisant tout juste à traiter quelques événements nationaux… Bruno Masure, le présentateur du JT de 20 heures d’Antenne 2 est fan des Pièces Jaunes. Dans les dix jours qui précèdent la campagne, il nous répète toutefois quotidiennement qu’il ne sait pas s’il va pouvoir en parler. Finalement, la veille de l’opération, il conclut son JT en posant la tirelire sur son desk : « Après toute cette actualité internationale effrayante, saluons cette opération positive … »

Malgré cette difficulté à émerger médiatiquement, la deuxième opération est un énorme succès, qui va définitivement l’installer dans le paysage caritatif français : « l’argent des enfants, par les enfants, pour les enfants », comme l’analysa la stratège en communication corporate Sylvène Portmann. En tout, 1,2 million de francs sont collectés, ce qui peut paraître modeste par rapport à la rapide montée en puissance des années suivantes, mais ils vont déjà permettre de concrétiser des projets très innovants dans de nombreux services.

Bernadette Chirac à la tête de la Fondation

Une ère s’achève, Béatrice Etévé-Assabgui part à la Sécurité Routière et laisse sa place à Bernard Dubois qui fera grandir la fondation. Bernadette Chirac va aussi bientôt prendre la présidence de la Fondation et lui donner une portée médiatique supplémentaire. Stéphane Godlewski poursuit sa carrière dans le mécénat et entre à la SNCF en y créant la première fondation en 1996. Laurent Terrisse part travailler sur les partenariats du Pavillon français à l’Exposition Universelle de Séville (Expo 92). Une autre agence, Optimus, prendra le relai et transformera l’essai avec le train des Pièces Jaunes et de nouveaux partenariats ; TF1, Bayard Presse et de nouveaux sponsors qui remplaceront Coca-Cola. 

Particulièrement innovante à l’époque, l’opération Pièces Jaunes mérite sans doute d’être repensée. Les enfants d’aujourd’hui étant davantage connectés que ceux d’hier, il serait bon de lui donner une seconde jeunesse. Brigitte Macron, qui succède à Bernadette Chirac à la tête de la Fondation de Paris-Hôpitaux de France sera-t-elle à même de relever le défi ?

Par

Stéphane Godlewski et Laurent Terrisse

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